L’articulation entre marché privé (tout particulièrement les diverses startups *Tech), État et Communs, est une vaste question qui fait l’objet d’une recherche académique active, sous de nombreux angles : politiques, économiques, juridiques, techniques, sociologiques...
Le mode de fonctionnement du marché privé gagne à être divisé en 3 types : les entreprises cotées en bourse, les entreprises non cotées, et les entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). Les entreprises cotées ne sont pas aptes à porter des projets numériques d’intérêt général, et ne le seront pas tant que les normes comptables n’auront pas évolué vers une prise en compte de la double matérialité, par exemple à travers la comptabilité CARE. En ce sens il est à noter que les actions de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) présidé par Emmanuel Faber sont délétères et contre-productives socialement et écologiquement1. Les entreprises non cotées peuvent porter des projets d’intérêt général, mais il faut pour cela mettre en place des structures de contrôle et des fonctionnement internes qui vont au-delà du cadre légal et assurent de bonnes conditions de transparence et de prise en compte des enjeux écologiques et sociétaux. Les entreprises de l’ESS sont par nature plus propices à porter des projets numériques d’intérêt général, bien qu’elles ne soient pas immunisées contre les dérives de gouvernance. Elles doivent elles-aussi se doter de dispositifs de contrôle et assurer la transparence, la démocratie et l’alignement avec les impératifs écologiques et sociétaux.
L’État peut et doit soutenir le numérique d’intérêt général. La forme de ce soutien est multiple : commande publique, financements, startups d’État... Cela pose de nombreuses questions sur le rôle et la posture souhaitables de l’administration, qui font elles aussi l’objet d’une recherche académique riche2.
Les Communs présentent le plus grand potentiel de production et d’opération de numérique d’intérêt général. Ils sont fragmentés, et souffrent d’une absence de véhicule juridique évident : les communs sont intrinsèquement divers, et peuvent être portés par de nombreuses structures. L’organisation informelle (poïéocratie, dite "do-ocratie", fréquente dans le logiciel libre), les associations loi 1901, les SCOP, les SCIC, les fonds de dotation, les fondations sont autant de possibilités pertinentes, en fonction des contextes. Cela crée des recoupements avec l’ESS, qui sont souhaitables et étudiés notamment par la Coop des Communs.
Il est probable qu’un bon équilibre s’appuie sur une articulation Communs / État, utilisant une variété de structures juridiques et organisationnelles.
1. Voir les analyses d’Alexandre Rambaud :
Suite à la nomination d'E. Faber à l'ISSB - ou la nécessité d'une analyse des controverses en finance/comptabilité durable - lien externe,
Finance verte : Emmanuel Faber est-il passé du côté obscur de la norme ? - L'Express - lien externe,
Sous les comptes, la politique | Alternatives Economiques - lien externe
2. Transformer l’État par les communs numériques : Sociologie d'un mouvement réformateur entre droit, technologie et politique (1990-2020), Sébastien Shulz
Histoire sociologique d’un mouvement ambigu, Ce que la critique de l’État nous apprend des formes de communs numériques, Sébastien Shulz - lien externe
Vers une république des biens communs ? Nicole Alix, Jean-Louis Bancel, Benjamin Coriat, Frédéric Sultan, 2018
Les nouveaux biens communs. Réinventer l’État et la propriété au XXIe siècle. Emmanuel Dupont, Édouard Jourdain, 2022